L’heure tourne en Outre-Mer pour dresser des actes de notoriété acquisitive afin de bénéficier d’un délai de contestation réduit !

Pour des raisons historiques, il a été constaté en Corse et dans certains territoires d’Outre-Mer dont la Réunion, des difficultés d’ordre foncier tenant à l’existence d’un grand nombre d’indivisions résultant de successions non réglées et à un nombre important d’occupants sans titre de propriétés depuis plusieurs générations. Le défaut de titrement et les potentiels conflits entre possesseurs étant à l’origine d’une situation foncière complexe, il s’est avéré nécessaire de mettre en œuvre un outil juridique dérogatoire afin de sécuriser la situation foncière.

Afin de remédier à cette problématique, l’article 117 de loi n°2017-256 du 28 février 2017 et l’article 1er de la loi n°2017-285 du 6 mars 2017 dérogent au mécanisme de la prescription acquisitive institué par les articles 2261 et suivants et 2272 du Code Civil.

Le régime dérogatoire instauré par le gouvernement en 2017 est ainsi venu renforcer la valeur juridique de l’acte de notoriété acquisitive : la notoriété vaut désormais titre…après 5 ans ! Le législateur a en effet limité la possibilité de contester un acte de notoriété acquisitive à une période de 5 ans pour les actes dressés et publiés avant le 31 décembre 2027. Autrement dit, l’Outre-Mer bénéficie d’une période largement réduite pour contester lesdits actes contrairement au régime appliqué en Métropole.

Ce renforcement de la valeur juridique des actes de notoriété acquisitive jusqu’au 31 décembre 2027 caractérise ainsi une présomption irréfragable de propriété : de simple fait juridique, l’acte accède ainsi au rang d’acte juridique après un délai de 5 ans.

En Métropole, la contestation de l’acte de notoriété acquisitive reste soumise à un délai de prescription classique relative à l’action en revendication (10 ans dans le cadre d’une prescription abrégée et 30 ans pour la prescription trentenaire) soit un délai supérieur à celui instauré par le régime dérogatoire dans les départements et collectivités ultramarins.

Rappelons en effet, que d’un point de vue strictement juridique, l’établissement d’un acte de notoriété ne vaut pas titre. Il s’agit d’abord,d’un acte dressé par un officier public ministériel dans lequel le notaire va retranscrire des éléments sur une situation de fait. Il constitue ainsi un élément de preuve, établit notamment par des déclarations effectuées par des témoins devant un notaire.

Il ne saurait toutefois dispenser le possesseur d’un immeuble d’avoir à prouver qu’il a accompli les actes caractérisant la possession prévue par l’article 2261 du Code Civil dans le cadre d’une action en justice.

Par conséquent, le juge demeure seul habilité, dans le cadre d’une action en revendication, à constater que l’usucapion est établi et que le possesseur est le véritable propriétaire du bien en cause. 

Dans le cas présent, l’acte de notoriété ne pourra être contesté que dans le cadre d’une revendication dans un délai de cinq années, à compter de la dernière des publications de l’acte par voie d’affichage, sur un site internet et au service de la publicité foncière.

A l’inverse, si l’action en revendication intervient postérieurement au délai de cinq ans, l’acte de notoriété constituera une présomption irréfragable de propriété.

Pour en bénéficier le possesseur devra tout d’abord faire établir un acte de notoriété constatant que la possession dont il se prévaut répond aux conditions de la prescription acquisitive : il devra ainsi justifier d’une possession, à titre de propriétaire, continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque pendant une durée de trente ans en application des articles 2261 et suivants et 2272 du code civil.

Cet acte de notoriété devra ensuite être publié.

L’établissement de l’acte de notoriété

Il doit contenir les éléments d’identification de la personne bénéficiaire et de l’immeuble concerné.

Sur la forme, l’acte doit nécessairement être dressé par un notaire.

Sur le fond, l’acte doit contenir les témoignages et éléments apportant la preuve des actes matériels et caractérisant la possession de l’immeuble concerné répondant aux conditions des articles 2261 et 2272 du Code civil.

La preuve de la possession peut s’établir par tout moyen. Il sera admis comme éléments de nature à justifier la réalité des actes matériels caractérisant la possession, des attestations, témoignages, constats de commissaires de justice, photographies prouvant la réalisation d’actes matériels de possession ou d’exploitation de l’immeuble (plantations, édification d’une clôture ou de constructions sur la parcelle, son entretien, etc..) pendant la période concernée.

La publicité de l’acte de notoriété dressé

Le possesseur souhaitant bénéficier du nouveau dispositif légal doit respecter trois formes cumulatives de publicité de l’acte de notoriété.

Ces modalités sont à l’initiative et aux frais du bénéficiaire de l’acte de notoriété qui s’en prévaut.

  • L’acte de notoriété doit être publié au fichier immobilier
  • Un extrait d’acte de notoriété doit être affiché en mairie pendant trois mois et cinq ans sur le site internet de la préfecture

Il conviendra de veiller à se voir délivrer un certificat attestant de la mesure de publicité et mentionnant la date de publication. En effet ce n’est que l’accomplissement de la dernière de ces trois mesures de publicité qui fait partir le délai légal de cinq ans durant lequel l’acte de notoriété peut être judiciairement contesté.

Il peut également être utile de favoriser l’information des tiers et d’éventuels détenteurs de droits concurrents en procédant à des publications non prévues par le décret notamment dans le cadre d’une publication dans un journal régional ou dans un journal d’annonces légales.

Article rédigé par:

Lara PERRAUD
Avocate

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