Les élus ultramarins pourront enfin bénéficier d’une majoration de leurs indemnités de fonction au même titre que leurs homologues métropolitains

 

« La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Solennellement consacré par le premier et sixième article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, le principe d’égalité devant la loi a été utilement mis en lumière et défendu par le Cabinet Dugoujon & Associés à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, la rupture d’égalité dissociant les élus ultramarins de leurs homologues métropolitains sur la question de la majoration de leurs indemnités de fonctions fût déclarée inconstitutionnelle le 21 octobre 2021.

Le cas d’espèce concernait une délibération du 2 juin 2020, par laquelle la commune du Port, située à la Réunion, décidait de majorer les indemnités de fonction de ses élus sur le fondement du 5° de l’article L 2123-22 du code général des collectivités territoriales.

Au centre des controverses, cet article énumère en effet les cas dans lesquels les conseils municipaux ont la possibilité de voter une telle majoration. Aussi, une condition déterminante est requise pour la commune, à savoir être attributaire de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSUCS).

C’est là où le bât blesse : cette dotation ne peut être versée qu’aux communes situées en métropoles, les communes d’outre-mer étant bénéficiaires de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (DACOM)

Autrement dit, le cinquième paragraphe de l’article contesté établit une différence de traitement, excluant les élus d’outre-mer de la possibilité de pouvoir bénéficier d’une majoration de leurs indemnités de fonction au motif que leurs communes de rattachement sont attributaires de la DACOM et non de la DSUCS.

C’est d’ailleurs ce que relevait le préfet de la Réunion, contestant la légalité de la délibération du 2 juin 2020 devant le tribunal administratif dans le cadre d’un déféré en annulation et d’un déféré assorti d’une demande de sursis à exécution.

Ces interprétations divergentes sur la question de la différence de traitement instituée par le 5° de l’article susmentionné a été portée jusque devant le Conseil constitutionnel par une Commune réunionnaise représentée par le cabinet Dugoujon & Associés, au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité.

La question posée au Conseil constitutionnel était alors la suivante : les dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales portent-elles atteinte au principe d’égalité garanti par les articles 1er et 6ème de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ?

Afin d’apprécier la régularité de ces dispositions à la Constitution, le Conseil constitutionnel a rappelé dans un premier temps que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans un ou autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit (Cons. const., déc. n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, Loi relative à l’entreprise nationale France télécom).

Autrement dit, le principe d’égalité impose de traiter de la même manière des personnes placées dans une même situation et, par conséquent, n’exclut pas des différences de traitement, à condition qu’elles soient justifiées par une différence de situation ou par un motif d’intérêt général (CE, Sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques).

Or, en l’espèce, si dans les départements et régions d’outre-mer, les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières à ces collectivités (art. 73 de la Constitution) ; il n’existe pas de différence de situation entre les élus des communes de métropole et les élus d’outre-mer dans l’exercice de leurs mandats.

Quant au motif d’intérêt général, aucune caractéristique ou contrainte particulière ne permet d’évincer les collectivités d’outre-mer du bénéfice des majorations des indemnités de leurs élus.

Cette analyse a donc mené le Conseil constitutionnel à la conclusion suivante : le 5 ° de l’article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales doit être déclaré contraire à la Constitution.

Les conséquences pratiques de cette décision sont considérables : cette dernière démontre non seulement l’effectivité du principe d’égalité que la DDHC promeut, mais également le contrôle du Conseil constitutionnel dans les discriminations directes résultant de la loi.

Ainsi, la décision d’inconstitutionnalité dessert la cause des communes d’Outre-mer dont l’insularité ne peut justifier une raison objective de priver les élus ultramarins de la possibilité de voter à l’occasion des conseils municipaux une majoration de leurs indemnités de fonctions.

Fruit d’un travail considérable des acteurs impliqués dans cette affaire, nous ne pouvons qu’applaudir la déclaration d’inconstitutionnalité rendue qui va dans le sens d’une plus grande égalité entre la métropole et les outre-mer.

Désormais, les dispositions de l’article 174 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 tirent les leçons de la déclaration d’inconstitutionnalité et viennent modifier l’article L. 2123-22, 5° du code général des collectivités territoriales pour offrir aux élus des communes d’outre-mer les mêmes possibilités de majoration de leurs indemnités que leurs homologues métropolitains.

Références :

Conseil constitutionnel, décision n°2021-943 QPC

Article L. 2123-22, 5° modifié par l’article 174 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

Article rédigé par:

Eric DUGOUJON
Avocat, Associé

Jessica SALMON
Elève-avocat

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