La zone des cinquante pas géométriques : retour sur les droits acquis par les particuliers entre 1922 et 1986 dans cet espace du littoral des DOM

Apparue aux Antilles au XVIIème siècle, l’ancienne « zone des cinquante pas du roi », désigne une bande de terre des départements d’outre-mer (DOM) située sur le littoral et soumise à un statut juridique particulier, aujourd’hui connue sous le nom de « zone des cinquante pas géométriques ». 

Délimitée par une largeur de 81,20 mètres en Guyane et à Mayotte, la bande est mesurée différemment dans les autres départements d’outre-mer, notamment à La Réunion où ses limites résultent de plans approuvés par arrêté du gouverneur de l’île au XIXème siècle (la zone des cinquante pas géométriques à La Réunion est précisément délimitée en application de l’arrêté gubernatorial du 4 mai 1876). 

Concernant son statut juridique particulier, les dispositions de l’article L. 5111-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) prévoient que la zone des cinquante pas géométriques fait partie intégrante du domaine public maritime (DPM) de l’Etat, lequel est inaliénable et imprescriptible. 

On l’aura compris, cette appartenance de la zone des cinquante pas géométriques au DPM de L’Etat en fait une zone à préserver. 

Les particuliers ne peuvent privatiser cet espace, ni y édifier de construction.

Cette zone appartient à l’Etat afin que tous puissent en bénéficier.

Toute occupation illégale peut d’ailleurs donner lieu à une contravention de grande voirie, sanction administrative prévue aux articles L.2132-2 et suivants du CG3P.

Les personnes familières du sujet se souviendront du contentieux des paillotes de l’Hermitage ayant donné lieu à une série de jugements du 31 octobre 2018 rendus par le tribunal administratif de La Réunion. Les occupants sans droit ni titre de la zone des cinquante pas géométriques ont, dans ces affaires, été condamnés à une amende d’un montant de 1500 euros, à la démolition des « paillottes », ainsi qu’à l’expulsion de la bande passé un délai d’un mois.

Ce qui est tout particulièrement intéressant avec ce contentieux, c’est qu’il revient aussi sur des situations existantes depuis des décennies.

En effet, ont déjà été visés par une contravention de grande voirie, pour occupation irrégulière de la zone des cinquante pas géométriques, des particuliers, qui ont pourtant acquis régulièrement leurs propriétés dans cette bande du littoral, auprès d’autres particuliers, par acte notarié.

Pour eux, l’occupation de la zone des cinquante pas géométriques n’est pas hors la loi, à condition qu’ils soient en capacité de justifier de leur droit, ce qui est le cas s’ils ont acquis leurs propriétés :

– à la suite d’une succession de mutations (ventes, donations), dont l’origine est une vente, intervenue avant la publication du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 ; cette vente doit avoir été reconnue valide par la commission de validation des titres instituée par ledit décret ;

– à la suite d’une succession de mutations (ventes, donations), dont l’origine est une vente ou une promesse de vente consentie par l’Etat postérieurement à la publication de ce décret de 1955 et antérieurement à la date du 5 janvier 1986, donc consentie entre 1955 et 1986.

En effet, à partir du décret de 1955, l’Etat a pu valablement céder des lots de la zone des cinquante pas géométriques des DOM à des particuliers, jusqu’à la survenance de la loi « littoral » en 1986 qui restitue le statut de DPM à cet espace du littoral.

A La Réunion, toutefois, il faut noter qu’il y a encore des exceptions aux exceptions puisque le propriétaire peut se prévaloir de la prescription acquisitive entre le décret du 13 janvier 1922 ayant supprimé l’inaliénabilité de la zone des cinquante pas géométriques et la promulgation de la loi « littoral » du 3 janvier 1986, ce qui n’est pas le cas des autres DOM et puisque la commission de validation des titres n’existe pas.

Le statut actuel de la bande des cinquante pas géométriques découle donc d’une succession législative et nous l’avons vu, l’histoire a toute son importance dans son articulation juridique. Retenons en tout cas que comme toute bonne notion de droit : le principe cache bien des exceptions.

Article rédigé par:

Eloé Rivière
Juriste

Aurore Doulouma
Avocate associée

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