La réglementation des catastrophes naturelles à la Réunion

À la suite du passage du cyclone BELAL sur l’île de la Réunion en janvier 2024, il nous est apparu intéressant de nous interroger sur la réglementation des catastrophes naturelles applicable à la Réunion.

L’île de la Réunion est un Département d’Outre-mer situé dans l’Archipel des Mascareignes, au nord du tropique du Capricorne dans l’Océan Indien et sur laquelle se situe le volcan, encore actif, du Piton de la Fournaise.

Ainsi, par sa situation géographique, son climat et son volcan, l’île est concernée par de nombreux aléas naturels tels que : les cyclones, les mouvements de terrain, les séismes, les éruptions volcaniques, les feux de forêts et de végétation, les inondations, la houle et la marée.

Afin de réduire la vulnérabilité de la Réunion, les pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau local, contribuent à mettre en œuvre des outils de prévention des catastrophes naturelles (1.).

Ils assurent également la gestion de ces catastrophes en créant des dispositifs de sécurité à destination de la population (2.) et remplissent un rôle essentiel dans la phase de réparation des administrés (3.).

1/ Phase de prévention

Un certain nombre de plans réalisés à différents échelons permettent de planifier la prévention des catastrophes naturelles.

Le premier d’entre eux est intitulé le Plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) créé en 1995.

Il réunit les différents documents qui pouvaient exister auparavant notamment les plans de surfaces submersibles (PSS) et les plans d’expositions aux risques (PER). Le PPRN codifié à l’article L. 562-1 du code de l’environnement dispose que : « I.-L’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. ».

Les 24 communes présentes à la Réunion possèdent un PPRN, annexé au plan local d’urbanisme, répertoriant les zones soumises aux risques d’inondation, de mouvements de terrain, de submersion marine et de recul du trait de côte.

Au niveau communal, le Plan communal de sauvegarde (PCS) a été institué par la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile. Il est codifié à l’article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure.

Au niveau intercommunal, existe un Plan intercommunal de sauvegarde (PICS) codifié à l’article L731-4 du code de la sécurité intérieure.

Ainsi, à la Réunion, toutes les communes étant soumises à un PPRN, elles bénéficient d’un PCS afin d’informer de manière préventive la population et d’organiser sa protection. Ce document se fonde sur le Dossier Départemental des Risques majeurs (DDRM).

Le PCS doit comporter en particulier, le document d’information communale sur les risques majeurs (DICRIM), l’identification des risques et vulnérabilités de la commune et l’organisation de la mise en œuvre pour la protection des populations.

Sur la base de ce document, avant l’arrivée du cyclone BELAL, de nombreuses communes de la Réunion ont mis en place des centres d’hébergement d’urgence afin d’accueillir et de protéger les citoyens sinistrés.

Par ailleurs, la compétence confiée aux intercommunalités relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) permet également de mettre en œuvre un certain nombre d’actions pour prévenir les catastrophes naturelles[1] : l’aménagement des bassins versants ; l’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, lacs et plans d’eau ; la défense contre les inondations et contre la mer ; la protection et la restauration des zones humides.

En particulier, les intercommunalités sont en charge d’assurer la prévention des inondations pour les territoires nécessitant une surveillance, un entretien et une réhabilitation des digues.

À cette fin, par un arrêté en date du 14 juin 2016, le préfet de La Réunion avait mis en place la mission d’appui technique de bassin pour la mise en œuvre de la compétence GeMAPI à La Réunion.

Par ailleurs, au niveau départemental, existe le dispositif ORSEC (Organisation des SECours) créé en 1952, élaboré par le préfet de département. Ce dispositif « détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours […] recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre » et définit « les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours »[2].

À la Réunion, l’arrêté n°2598 du 17 décembre 2018 portant approbation et application du dispositif départemental ORSEC spécifique « Cyclones », est venu adapter les alertes cycloniques aux spécificités locales de chaque Outre-mer.

En dehors du Préfet de département et des Maires, d’autres acteurs sont essentiels dans la prévention des risques naturels.

Ainsi, le Conseil Régional joue un rôle de prévention des risques naturels. A la Réunion, il contribue à l’aménagement du territoire avec l’évaluation à mi-parcours du SAR (Schéma d’aménagement régional), et l’intégration nécessaire des risques naturels dans ses orientations d’aménagement. De plus, la Réunion bénéficie d’un Schéma de Prévention des Risques Naturels (SPRN), faisant intervenir des acteurs comme le conseil départemental de la sécurité civile et des risques naturels majeurs (CDSCRNM), le réseau des référents risques naturels ou encore le comité technique risques (CTR), constituant ensemble la « gouvernance de la gestion des risques et réseaux permanents ».

Enfin, pour préparer la population à un risque naturel, les autorités disposent d’outils telles que les alertes aux populations. Dans le cadre du risque cyclonique en Outre-mer, il existe de nombreuses alertes allant de la préalerte jaune cyclonique, indiquant une menace potentielle pour l’île dans les 72 heures, à l’alerte violette représentant un péril imminent avec des vents cycloniques de plus de 200km/h, obligeant les populations à se confiner.

2/ Phase d’action

Lorsque l’alerte aux populations est déclenchée, les autorités publiques mettent en œuvre des dispositifs afin de gérer la crise.

D’abord, au niveau local, les maires ont le devoir d’agir, au titre de leurs pouvoirs de police sur le territoire communal afin d’assurer le maintien de l’ordre public[3].

Pour ce faire, la police municipale a en partie pour but « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure »[4].

Par exception, lorsque plusieurs communes sont impactées par un même aléa, le représentant de l’Etat dans le département, est le seul compétent pour prendre « toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques »[5]à la place du maire. Ainsi, lors d’un cyclone, il revient au préfet du département de déclencher les différentes alertes durant l’aléa naturel.

Toutefois, le déploiement des pouvoirs du maire ou du préfet reste limité en phase d’action de l’aléa naturel. Par exemple, lors du cyclone BELAL en phase d’alerte violette, en plus du confinement de la population, les services de secours ainsi que les services de sécurité et tous les agents mobilisés à la gestion de crise ne pouvaient intervenir[6].

Contrairement à l’Hexagone, les Outre-mer subissent des risques naturels différents.

En ce sens, outre les maires et les représentants de l’Etat sur place, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer est un acteur national essentiel dans la gestion de ces risques puisqu’il est également chargé de leur suivi[7].

3/ Phase de réparation

Cette dernière phase de réparation intervient après la disparition du risque naturel.

En effet, elle concerne tant les populations que les autorités publiques. Les populations peuvent subir de nombreux dégâts sur leurs biens matériels et immatériels tandis que les autorités publiques doivent intervenir rapidement sur leurs territoires afin de pallier aux conséquences de l’aléa naturel.

Lors d’une catastrophe naturelle, le maire doit prescrire l’exécution de mesures de sûreté exigées par les circonstances, en cas de danger grave ou imminent[8].

À ce titre, ces mesures de sûreté, ayant un intérêt collectif, doivent être exécutées par les soins de la commune et à ses frais[9].

À la Réunion, les 24 communes ont été touchées par le cyclone BELAL. Les sinistres constatés concernaient des destructions de voirie publique, des éboulements ou encore des inondations.

La première étape consiste à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Celle-ci peut être reconnue selon deux procédures distinctes.

Soit par une procédure ordinaire qui nécessite une déclaration de l’assuré sinistré à la mairie, qui formulera elle-même une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Soit par une procédure accélérée qui est directement enclenchée en cas d’extrême urgence, sur décision gouvernementale après constatation par le Préfet des communes sinistrées.

Par ailleurs, un dispositif d’indemnisation à la suite de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été créé par la loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.  Ainsi « sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, les dommages matériels directs ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises »[10].

Cette disposition a été reprise à l’article L.125-1 du code des assurances. Le droit à l’indemnisation est ainsi conditionné par :

  • la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel,
  • la souscription du sinistré à une garantie « catastrophe naturelle »,
  • la nature de l’évènement (pour les Outre-mer sont inclus les vents cycloniques à partir de 145km/h en moyenne sur 10 minutes ou 215 km/h en rafales),
  • la nature des biens matériels et immatériels.

Après le passage du cyclone BELAL, l’Etat a publié un arrêté interministériel en date du 19 janvier 2024, suite à l’enclenchement d’une procédure accélérée qui concernait les dommages causés par les inondations et coulées de boue et les chocs mécaniques des vagues.

Enfin, il existe spécifiquement pour les Outre-mer, le Fonds de Secours pour les Outre-Mer (FSOM).

La spécificité de ce fonds est qu’il peut intervenir à la fois pendant et après la catastrophe naturelle. Il répond essentiellement aux besoins d’indemnisations des sinistrés, dont les biens sont non assurés ou non assurables.

Ainsi, il se destine :

  • aux particuliers, pour les biens mobiliers non assurés de première nécessité dans leur résidence principale ;
  • aux entreprises à caractère artisanal ou familial dans une situation économique délicate à la suite du sinistre pour les biens meubles non assurés strictement nécessaires à la reprise de l’activité ;
  • aux collectivités pour les biens non assurables et essentiels à la vie collective ;
  • aux agriculteurs pour les pertes de récolte et de fonds, concernant l’ensemble des cultures. Les agriculteurs doivent néamnoins être à jour de leurs cotisations sociales et fiscales et avoir télédéclaré leurs surfaces sur le site Télépac. Concernant les pertes de récoltes, ils doivent avoir perdu plus de 13 % de leur chiffre d’affaires total et plus de 25 % de la production concernée. Les pertes de fonds sont également éligibles sur la base des justificatifs qui seront fournis. Ainsi, ce fonds a été déclenché par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer à l’issue du passage de BELAL sur la Réunion.

 

À l’évidence, les pouvoirs publics français tentent de réduire la vulnérabilité de ses territoires à travers une planification abondante ainsi qu’un suivi et une réparation.

Toutefois, la gestion des catastrophes naturelles est constamment mise à rude épreuve notamment en raison du changement climatique nécessitant de prendre en compte les spécificités de chacun des territoires français et de faire preuve de réactivité et d’adaptation. 

 

[1] Article L.211-7 du code de l’environnement

[2] Article L.741-2 du code de la sécurité intérieure

[3] Article L.2212-2 CGCT

[4] Article L.2212-2 5° CGCT

[5] Article L.2215-1 1° CGCT

[6] Communiqué de presse du Préfet de la réunion du 14 janvier 2024

[7] Article L.1142-2 du code de la défense

[8]Article L.2212-4 CGCT

[9] CE, 18 nov. 1988 , Cne Tourtour c/ Rolland – CE, 6 avr. 1998 , n° 142845, Sté Ousteau – CE, 22 oct. 2010, n° 316945, C. et M. et A, n° 2010-019095

[10]Article 1 alinéa 3 de la loi n°82-600 du 13 juillet 1982

Article rédigé par:

Océane Lebert
Juriste alternante

Aurore Doulouma
Avocate associée

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